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Patent Absurdity/Français (French)

Revision as of 03:29, 21 April 2010 by Echarp (talk | contribs) (Jusqu'à 23:51)

[0:02 - 0:06] [Washington D.C., 9 novembre 2009]

[0:09 - 0:15] [Ces personnes font la queue pour écouter les arguments oraux dans la première affaire concernant les brevets logiciels à être portée devant la Cour suprême des États-Unis depuis presque 30 ans.]

[0:14 - 0:16] Journaliste : Messieurs, voulez-vous dire qui vous êtes et épeler vos noms ?

[0:15 - 0:17] Journaliste : vos noms, vos titres et toutes les bonnes choses ?

[0:17 - 0:21] Bilski : Je suis Bernie Bilski, B I L S K I

[0:23 - 0:30] Warsaw : Rand, R A N D, Warsaw, W A R S A W

[0:31 - 0:32] Journaliste : Pourriez-vous nous résumer ce que vous avez inventé ?

[0:33 - 0:36] Warsaw : L'invention est une facture énergétique garantie,

[0:36 - 0:38] qui est comme une facture budgétisée sans ajustement,

[0:39 - 0:42] et c'est une méthode pour couvrir les deux parties dans la transaction.

[0:43 - 0:45] Ainsi, en plus de donner aux consommateurs, consommateurs d'énergie,

[0:46 - 0:49] une facture énergétique garantie, il y a toutes sortes de mécanismes,

[0:50 - 0:52] et les mécanismes impliquent des transactions financières

[0:53 - 0:56] entre la consommation d'énergie ou tout consommateur d'énergie

[0:57 - 0:58] et les fournisseurs d'énergie.

[0:59 - 1:03] [Ces hommes espèrent gagner un brevet sur une méthode d'affaires sur la couverture des risques.]

[1:03 - 1:07] Warsaw : Et voilà en résumé ce qu'est l'invention. C'est une méthode pour générer des factures garanties pour les consommateurs et aussi protéger les revenus des entreprises d'énergie.

[1:13 - 1:16] [L'aboutissement de cette affaire aura de profondes implications pour le logiciel.]

[1:17 - 1:19] Dan Ravicher (Public Patent Foundation) : L'affaire Bilski elle-même est que, quelqu'un a déposé une demande de brevet

[1:20 - 1:24] sur une méthode d'affaires ou un logiciel et l'office des brevets l'a rejetée.

[1:25 - 1:27] Et maintenant cette personne porte plainte contre l'office des brevets, en disant :

[1:28 - 1:29] « Vous devez m'accorder ce brevet. »

[1:30 - 1:33] Cette affaire concerne la définition de ce qu'est un « procédé » brevetable.

[1:34 - 1:37] Et ainsi, puisque les brevets logiciels font partie de la catégorie des procédés –

[1:38 - 1:40] parce qu'il ne sont pas une machine ou une composition de la matière,

[1:41 - 1:43] qui font partie des autres catégories de choses brevetables —

[1:44 - 1:46] cette affaire va définir ce que cela signifie que d'être un procédé brevetable.

[1:47 - 1:53] [Absurdité patentée des brevets – comment les brevets logiciels ont cassé le système…]

[1:52 - 1:54] Journaliste : Qu'en est-il du juge Roberts, qui dit qu'en gros votre brevet implique

[1:55 - 1:57] des personnes prenant leur téléphone et appelant d'autres personnes ?

[1:57 - 1:58] J. Michael Jakes (Avocat pour Bilski) : On pourrait le réduire à ce niveau,

[1:59 - 2:00] comme à certains actes que l'on doit accomplir,

[2:01 - 2:02] mais c'est bien plus que cela.

[2:03 - 2:05] Le procédé permet de vendre des biens à un prix fixe à une partie donnée,

[2:06 - 2:09] et à une autre partie à un autre prix fixe,

[2:10 - 2:11] d'identifier les positions anti-risques.

[2:12 - 2:13] Si vous regardez la revendication quatre dans le brevet -

[2:14 - 2:17] nous avons des choses appelées « revendications » qui décrivent ce que le brevet est –

[2:18 - 2:19] elle contient une longue formule mathématique –

[2:20 - 2:23] qui n'existait ni dans la nature ni nulle part dans la littérature –

[2:24 - 2:28] que ces gens très inventifs ont trouvée.

[2:28 - 2:29 Ben Klemens (Auteur, « Math you can't use ») : Autrefois, les mathématiques n'étaient pas brevetables et maintenant elles le sont.

[2:30 - 2:32] Et nous pouvons avoir quelqu'un comme Bernard Bilski qui se pointe en disant :

[2:33 - 2:36] « Oui vous savez, j'ai travaillé dur sur cette équation mathématique,

[2:37 - 2:41] et donc je devrais avoir un brevet sur cette méthode de traitement de l'information-là ».

[2:42 - 2:45] Journaliste : Vous mentionnez dans votre revendication qu'il y a un très long calcul montrant cela.

[2:45 - 2:46] Jakes : En effet…

[2:46 - 2:50] Journaliste : Pensez-vous qu'un calcul poussé ou de bonnes mathématiques puissent être à la base d'un brevet ?

[2:50 - 2:51] Jakes : Cela peut.

[2:51 - 3:02] Ben Klemens : Le processus de base pour écrire un logiciel consiste à ce que vous preniez un vaste algorithme d'une certaine sorte, vous savez, les moyens de faire quelque chose de données abstraites, et ensuite vous appliquez des noms de variables.

[3:02 - 3:21] Ben Klemens : Pour une première dérivation, commençons avec une simple matrice, une matrice de valeurs, et nous trouverons la moyenne de chaque colonne, nommées mu1, mu2, mu3. Et nous trouverons que Y = (X - mu) pour chaque colonne.

[3:21 - 3:32] Maintenant, si nous avons un autre facteur X, nous pouvons prendre X fois S et trouvons la projection de X sur l'espace, c'est ce qu'on appelle la décomposition en valeurs singulières (S.V.D.).

[3:32 - 3:35] À présent, voici l'astuce, le gros morceau.

[3:35 - 3:50] À présent, disons que la première ligne, X1, est égal à « sexualité », X2 est à égal à « possédez-vous des chats ? », X3, je ne sais pas, « affection ».

[3:55 - 4:06] Ok, maintenant nous allons aussi dire que prenons un vecteur J1 égal à Jane, les réponses de « Jane » à ce questionnaire.

[4:06 - 4:10] Disons que J2 égal aux réponses de « Joe ».

[4:10 - 4:13] Maintenant faisons la même projection que nous avons faites avant.

[4:13 - 4:22] Nous allons prendre J1 fois S, moins J2 fois S (J1xS - J2xS),

[4:22 - 4:25] nous allons trouver la distance entre ces deux points,

[4:25 - 4:27] et nous appellerons cela « compatibilité ».

[4:27 - 4:37] Et dans cette simple étape, nous avons dérivé le brevet numéro 6 735 568.

[4:37 - 4:44] L'astuce de notre dérivation est que avant, avec la décomposition en valeurs singulières, nous avions des nombres abstraits.

[4:44 - 4:49] Ce que les gens à eHarmony ont fait pour avoir ce brevet, a été d'assigner des noms à nos variables.

[4:49 - 4:52] Donc au lieu d'avoir un X1 abstrait nous avons « sexualité »,

[4:52 - 4:56] au lieu d'avoir un X2 abstrait nous avons « une préférence pour les chats ».

[4:56 - 5:07] Et en faisant ces assignations, en établissant de simples noms de variable de cette manière, ils ont été capables de prendre un concept abstrait, et d'en faire un appareil brevetable.

[5:07 - 5:46] Ce que nous voulons faire, d'après les dirigeants des institutions des brevets, est de prendre les mathématiques et les découper en autant de tranches que possible, distribuer ces tranches et dire, et bien, si vous faites une analyse en composantes principales, si vous multipliez des matrices pour, euh, des sites de rencontres, et bien ok, nous donnons cela à eHarmony. Si c'est pour les actions, nous les donnerons à State Street. Et ainsi de suite et ainsi de suite. Et euh, ce que nous donnons est essentiellement des droits exclusifs d'utiliser les mathématiques, d'utiliser une loi de la nature, quel que soit le contexte. Et ce que nous obtenons en retour, c'est à peu près rien.

[5:46 - 5:48] « Comment est-on arrivé à ce point ? »

[5:47 - 5:52] Mark Webbink (Centre pour les innovations en matière de brevets) : un brevet est un octroi du gouvernement, et aux États-Unis il provient de la Constitution.

[5:53 - 6:08] Dan Ravicher : les rédacteurs ont inclus une disposition dans notre constitution pour l'octroi de droits exclusifs aux inventeurs. La conviction était que c'était important afin de récompenser les personnes qui avaient fait des progrès technologiques qui pourraient profiter de la société.

[6:09 - 6:12] « Droit des brevets – Federal Hall – 10 avril 1790 : Une loi visant à promouvoir le progrès des arts utiles. »

[6:12 - 6:20] Webbink (New York Law School) : Les droits accordés ne sont pas les droits de faire la chose qu'ils ont inventé, mais le droit d'exclure les autres de faire cette chose.

[6:20 - 6:35] Eben Moglen (Software Freedom Law Center) : Donc, l'idée était, vous avez une machine ou une chose, qui n'est pas décrit précédemment dans toute la littérature, et dont aucun mécanicien expérimenté ne peut en découvrir la fabrication compte tenu de ce qui est décrit dans la littérature, et pour cela vous obtenez un brevet.

[6:35 - 6:45] Webbink : La base pour déterminer ce qui est un objet brevetable a continué d'évoluer au cours des 200 dernières années de notre existence nationale.

[6:46 - 6:56] Moglen : En 1953, le droit les brevets a été modifié par le Congrès afin d'ajouter les mots « ou de procédés » au mot « produit » pour décrire ce qui pourrait être breveté.

[6:58 - 7:04] « Amendement au droit des brevets – Bâtiment du Capitol – 19 juillet 1952 : Avec une « machine », une « fabrication » ou une « composition de la matière », un « procédé » fait partie des objets brevetables prévus par la loi. »

[7:04 - 7:18] Le Congrès qui fit cela pensait clairement à des procédés de fabrication industrielle, procédés qui produisaient quelque chose à l'autre bout. « Faire flotter du verre sur de l'étain en fusion et il deviendra plat » ou quoi que ce soit.

[7:19 - 7:35] Webbink : Et il est peu probable que quiconque ait pensé aux « procédés » à l'époque, en termes de logiciels, parce que nous n'avions pas d'applications logicielles pendant de nombreuses années après la dernière révision du droit des brevets.

[7:37 - 7:47] « Gottschalk contre Benson – Cour suprême – 1972 : La méthode des défendeurs pour la conversion hexadécimale, rien de plus qu'une série de calculs mathématiques ou d'étapes mentales, ne constitue pas un « procédé » brevetable au sens du droit des brevets. »

[7:47 - 7:53] Dan Bricklin (premier tableur) : À la fin des années 70, le droit des brevets a été interprété de telle sorte que vous ne pouviez pas breveter les logiciels. Il était considéré comme un algorithme mathématique ou une loi de la nature.

[7:55 - 8:01] « Parker contre Flook – Cour Suprême – 22 juin 1978 : Un algorithme mathématique n'est pas brevetable si son application n'est pas nouvelle. »

[8:01 - 8:10] Dan Bricklin : Le monde juridique a changé. L'environnement a commencé à être assez différent, à partir de certaines décisions de la Cour suprême comme Diamond contre Diehr.

[8:11 - 8:36] Karen Sandler (Software Freedom Law Center) : Le demandeur du brevet arrivait avec une nouvelle méthode pour sécher le caoutchouc. La température et la précision de la température sont essentielles pour sécher le caoutchouc correctement, et l'innovation qui a été brevetée dans ce cas était un algorithme pour surveiller un thermomètre, elle résidait essentiellement dans le procédé et déterminait quand le caoutchouc nécessitait d'être libéré et refroidi.

[8:37 - 8:47] Richard Stallman (Free Software Foundation) : Et ils ont dit que les méthodes pour sécher le caoutchouc étaient brevetables, il n'y a rien de nouveau à ce propos, le fait qu'ils utilisent un ordinateur pour le mettre en œuvre ne devrait rien changer.

[8:48 - 8:55] [Diamond contre Diehr – Cour suprême – 3 mars 1981 : Le fonctionnement d'une machine est brevetable, qu'elle soit contrôlée par un humain ou un ordinateur.]

[8:56 - 9:17] Mishi Choudhary (Software Freedom Law Center): La cour suprême indique clairement que vous ne pouvez pas breveter un logiciel car il s'agit seulement d'un ensemble d'instructions, ou algorithme, et les lois abstraites de la nature, les algorithmes, ne sont pas brevetables aux États-Unis eux même. Et, cependant, il y a alors eu la création de la cour d'appel pour le circuit fédéral.

[9:17 - 9:52] Moglen : Le problème à résoudre, dans un certain sens, débute par le fait que les juges de première instance ont toujours détesté les affaires de brevet. Et la raison pour laquelle les juges de première instance détestent les affaires de brevet est que, pour un seul juge de première instance – un ou une juriste qui a passé sa vie dans les litiges – une affaire de brevet, dans laquelle on lui demandera de rechercher des faits détaillés sur la façon dont la peinture est faite ou sur le fonctionnement des ordinateurs ou sur la manière dont fonctionne la radio, est une occasion de passer pour un imbécile.

[9:54 - 10:00] [Création aux USA de la Cour d'appel – Circuit fédéral – 2 avril 1882 : Création aux États-Unis de la Cour d'appel pour le circuit fédéral.]

[9:59 - 11:04] Moglen : Le Congrès est en train d'essayer de changer le système dans lequel les affaires de brevets sont jugées. Mais au lieu de changer ceux qui jugent les affaires de brevets, le Congrès a laissé le juge de district non-spécialiste en charge du procès. Et puis créé une nouvelle Cour d'appel appelée le Circuit fédéral, dont le travail a été d'entendre tous les appels concernant les affaires de brevets. Rapidement bien sûr cette cour s'est remplie de juristes des brevets. Et ces juristes des brevets ont ensuite fait la loi à la Cour d'appel, qui s'applique à tous les juges de district, qui prenaient encore des décisions de non-spécialistes dont ils avaient peur. Naturellement, le Circuit fédéral s'est avéré être un lieu qui aimait les brevets, et son juge en chef Rich Giles, qui vécu très, très vieux et mourut presque centenaire, était un homme qui aimait particulièrement les brevets sur tout. La Cour pour le Circuit fédéral sous Gilles Rich a en quelque sorte laissé « Diamond contre Diehr » perdre de son sens originel et est arrivée à la conclusion que le logiciel lui-même pouvait être breveté.

[11:05 -11:09] Choudhary : La Cour suprême a en quelque sorte laissé cette cour décider de tout.

[11:09 - 11:19] Ravicher : L'office des brevets avait effectivement l'habitude de rejeter les brevets logiciels, comme au début des années 90. Il ne les accordait pas, et les requérants faisaient appel de ces rejets auprès du Circuit fédéral.

[11:20: 11:27] [Affaire Alappat – Circuit fédéral – 29 Juillet 1994 : Installer un logiciel sur un ordinateur produit une « nouvelle machine », qui est brevetable.]

[11:28 - 11:35] [Affaire Lowry – Circuit fédéral – 26 août 1994 : La structure de données du disque dur d'un ordinateur constitue une « machine » qui est admissible à la brevetabilité.]

[11:36 - 11:42] [State Street contre Signature Financial – Circuit fédéral – 23 Juillet 1998 : Un calcul numérique qui produit un « résultat util, concret et tangible », tel qu'un prix, est brevetable.]

[11:43 - 12:18] Moglen : Dans le monde des machines, vous montriez à l'office des brevets LA machine, et vous aviez un office des brevets dont la revendication était « Je revendique cette machine ». Dans le monde des logiciels, il n'y avait pas moyen de définir ce qui constituait l'élément unitaire. Je ne revendique pas un programme, je revendique une technique, que nombre de programmes, qui font nombre de choses, pourraient éventuellement utiliser. En conséquence de quoi, très rapidement, nous avons commencé à développer, comme des biens immobiliers que quelqu'un possède et peut en exclure autrui, nombre des techniques de base en programmation informatique.

[12:19 - 12:40] James Bessen (Auteur, « Patent Failure »): Ce qui s'est passé, à partir du milieu des années 90, est que le nombre de brevets logiciels a commencé à monter en flèche. Et l'attitude de l'industrie a commencé à changer aussi. Donc vous aviez Microsoft, qui à l'origine ne s'occupait pas de brevets logiciels du tout, je suppose qu'ils ont été poursuivis au début des années 90 par Stac, et ont perdu dans un arrêt important contre eux, ils ont commencé à breveter.

[12:41 - 12:48] Webbink : Ils allaient avoir leur propre jeu de brevets, de sorte que si un important détenteur de brevets les menace, ils peuvent riposter.

[12:49 - 13:00] Bessen : Peu à peu, des sociétés comme Oracle ont été contraintes à mettre en place des services de brevets, juste pour des raisons défensives. Ils en arrivaient à devoir faire breveter leurs fatras, afin d'avoir quelque chose à échanger avec les entreprises qui avaient des brevets.

[13:00: 13:15] Journaliste : Et ainsi l'arsenal commence à se développer. En 2000, 2001, Microsoft détenait désormais des milliers de brevets logiciels. Oracle approchait probablement du millier de brevets logiciels, Adobe…

[13:15 - 13:27] Journaliste : Vous savez, tous sont devenus des breveteurs de plus en plus agressifs et certains de ceux qui étaient contre les brevets logiciels ont fini par porter plainte contre d'autres sociétés. Et ce que vous avez obtenu est une explosion des brevets d'abord, puis une explosion des contentieux.

[13:32 - 13:52] Bessen : À la fin des années 90, environ un quart de tous les brevets accordés étaient des brevets logiciels. Environ un tiers de tous les litiges impliquaient des brevets logiciels. Environ 40% du coût des litiges est attribué aux brevets logiciels. Et ces chiffres sont à la hausse.

[13:52 - 15:28] Bessen : Donc, Charles Freeney inventa un kiosque pour les magasins de détail. Et l'idée est que vous entrez, vous pouvez choisir une sélection musicale, passer votre carte de crédit, mettre une cassette vierge 9 pistes – cela montre à quel point ce brevet était ancien – et il écrivait la sélection de musique sur la bande, et vous pouviez partir avec. Le brevet a été rédigé dans un langage très vague, il y avait des termes comme « point de lieu de vente » et « machine de fabrication de l'information » et Freeny a finalement vendu ce brevet à quelqu'un qui voulait interpréter ces termes de façon très large, pour essentiellement couvrir le e-commerce. Voici donc cette invention très limitée pour ce kiosque, et il a voulu interpréter ces termes de manière si large qu'elle couvrirait les transactions qui ont lieu sur Internet. Et vous pouviez – elles pouvaient être – vous pouviez les faire dans votre bureau, dans votre chambre, dans votre maison, n'importe où. Et ainsi il couvrait la quasi-totalité de l'e-commerce. Les tribunaux, tout d'abord, n'étaient pas d'accord avec cette interprétation, mais ils ont fait appel, et la cour d'appel a été en grande partie d'accord avec eux, et ils ont réussi à soutirer des arrangements de bien plus d'une centaine d'entreprises. Mais ce qui est important c'est, voici ce brevet, vous ne pouvez pas dire où se trouvaient ses limites avant d'aller à la cour d'appel. Ce que la plupart des gens pensait de ses limites s'est avéré être faux.

[15:29 - 16:05] Timothy B. Lee (Université de Princeton): Une des propriétés essentielles des langages de programmation est qu'ils sont très, très précis. Vous pouvez regarder n'importe quel programme dans n'importe quel langage, C, Python, ou tout autre langage comme ça, et vous savez exactement ce qu'il fait. Vous pouvez regarder deux morceaux de code source, et vous pouvez dire : font-ils la même chose ou des choses différentes ? Et nous faisons cela parce que les ordinateurs sont perfectionnistes et nous devons dire à l'ordinateur exactement ce que nous devons faire pour accomplir certaines tâches. Le brevet – la langue que les avocats des brevets utilisent est presque le contraire. Il y a un avantage à être vague, et à être large, et non spécifique, parce que plus votre langage est large, plus vous allez attraper de choses dans vos filets.

[16:05 - 16:26] Ravicher : Donc, c'est un gros problème dans notre système de brevets, de simplement définir le contexte ou les limites du brevet, et – vous savez, ce qu'il couvre, ce qu'il ne couvre pas. Et cette ambiguïté entraîne beaucoup de paralysies, parce que les gens vont éviter de faire tout ce qui pourrait éventuellement être couvert par le brevet, même si en réalité, le brevet ne couvre pas ce qu'ils veulent faire.

[16.27 - 17:45] RMS : Imaginons qu'au XVIIIe siècle, les gouvernements d'Europe aient décidé d'« encourager » le progrès de la musique symphonique (du moins pensaient-ils qu'ils l'encourageraient ainsi) avec un système de brevets sur les idées musicales, ce qui signifie que toute personne qui pouvait décrire une nouvelle idée musicale avec des mots, pouvait obtenir un brevet, qui serait un monopole sur cette idée, et ensuite elle pourrait poursuivre quiconque mettrait en œuvre cette idée dans un morceau de musique. Ainsi, un motif rythmique aurait pu être breveté ou une séquence d'accords ou un… un ensemble d'instruments à utiliser ensemble ou n'importe quelle idée que vous auriez pu décrire avec des mots. Maintenant, imaginez que nous sommes en 1800 et vous êtes Beethoven et que voulez écrire une symphonie, vous allez trouver qu'il est plus difficile d'écrire une symphonie pour laquelle vous ne serez pas poursuivi en justice, que d'écrire une symphonie qui sonne bien. Parce que pour écrire une symphonie et ne pas être poursuivi, vous allez devoir vous faufiler au travers de milliers de brevets sur les idées musicales. Et si vous vous êtes plaint à ce sujet, disant que cela entravait votre créativité, les titulaires de brevets dirait : « Oh, Beethoven, vous êtes juste jaloux parce que nous avons eu ces idées avant vous. Pourquoi devriez-vous voler nos idées ? »

[17:46 - 18:10] Ciaran O'Riordan (End Software Patents) : Les gens ont fait de la musique depuis des milliers d'années, sans qu'on ait jamais eu besoin de brevets dans le domaine de la musique. Et depuis que l'industrie de l'informatique a rendu la programmation possible, les gens se sont également mis à développer des logiciels. Au départ, on n'a jamais eu besoin de brevets dans ce domaine pour que cette activité ait lieu.

[18:11 - 18:49] Dan Bricklin (premier tableur): Bien sûr, tout ce que nous faisions, avant 1980-1981, dans ces choses, les brevets ne jouaient aucun rôle. Le couper-coller, la règle intégrée dans le traitement de texte, le retour à la ligne automatique – un tas des choses vraiment importantes et que nous tenions pour acquises et qui étaient beaucoup, beaucoup plus novatrices à bien des égards que de nombreux brevets d'aujourd'hui. Parce que les brevets peuvent porter sur certaines choses extrêmement minimes, et c'est la façon dont le droit fonctionne. Ces choses ont été accomplies, nous avons eu de grands progrès sans brevets.

[18:50 - 19:17] Robert Tiller (Red Hat): Un des scientifiques du monde informatique les plus respectés, Donald Knuth, a dit que si les brevets logiciels avaient été disponibles dans les années 60 et 70, quand il travaillait, il est probable que l'informatique ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui. Il y aurait eu des blocages de l'innovation qui auraient pu sérieusement faire obstacles aux types de solutions techniques que nous tenons aujourd'hui pour acquises.

[19:17 - 19:28] Moglen : Le programmeur écrivant un long programme a éventuellement besoin de vérifier si 500 ou 1000 techniques différentes sont brevetées. Et il n'existe aucun moyen qu'il puisse réellement le faire.

[19:28 - 19:43] Ravicher : L'office des brevets émet des centaines de brevets logiciels, tout le temps. Chaque mardi, ils délivrent 3500 brevets, dont un grand nombre ont trait aux logiciels. C'est tout simplement impossible d'examiner tous ces brevets chaque semaine, pour vous assurer que vous ne faites pas quelque chose qui pourrait les enfreindre.

[19:43 - 20:31] Sandler : Donc, il y a une disposition dans le droit des brevets des États-Unis qui, au fond, considère que les contrefacteurs de brevets…, je suppose, qui leur impose une plus grande responsabilité s'il est montré qu'ils ont volontairement enfreint le brevet. Donc, en gros, l'idée est que lorsque vous enfreignez un brevet, si vous aviez connaissance de ce brevet, la sanction sera plus sévère que si vous ne le connaissiez pas. Mais, cela aboutit à une situation où il y a un réel effet dissuasif à suivre quels brevets ont été déposés, et quelles nouvelles inventions il y a eu dans le système des brevets. Parce que, si vous lisez tous les brevets, alors – ou s'il y a des preuves que vous avez lu les brevets – alors vous êtes responsable d'une violation délibérée, alors vous connaissiez le brevet et vous l'avez enfreint malgré tout. Et la sanction, c'est des dommages-intérêts triples.

[20:31 - 20:40] Journaliste : De nombreuses personnes qui ont déposé un mémoire auprès de cette Cour ont suggéré que le logiciel devrait être retiré de la portée de la brevetabilité. Pouvez-vous commenter cela ?

[20:40 - 20:54] Jakes : Oui, eh bien, je suis évidemment en désaccord avec cela, et je ne crois pas que le logiciel devrait jamais être enlevé. C'est une de nos grandes ressources d'innovations techniques dans ce pays. Et en arriver à un test qui d'une manière ou d'une autre éliminerait les logiciels serait, je crois, une catastrophe pour l'économie.

[20:55 - 20:57] « Le serait-ce quand même ? »

[20:55 - 21:40] James Bessen (Auteur, « Patent Failure »): Vous savez, Mike et moi estimons, en dehors des produits pharmaceutiques et chimiques, que les brevets agissent comme une taxe de 10 ou 20%. Vous savez, ainsi vous pouvez vous représenter ça comme, vous savez, le petit développeur en train de développer quelque chose, en fin de compte, il devra payer cette taxe. Ensuite, vous savez, toutes les petites entreprises que je connais dans le logiciel, si elles sont là depuis quelques années et qu'elles ont percé sur le marché, quelqu'un est en train de faire valoir un brevet contre elles, et elles se heurtent à des difficultés potentielles. Elles se sentent – très souvent, se sentent obligées d'obtenir des brevets elles-mêmes, à des fins défensives. Ainsi, tout de cette activité est une taxe. C'est quelque chose qui ne les aide pas à innover. C'est, vous savez, une activité inutile.

[21:41 - 22:49] Jesse Vincent (Best Practical): La principale chose que nous faisons est un système de suivi des problèmes appelé « RT » ou « Request Tracker ». C'est donc du service clients, service d'assistance, suivi des bogues, exploitation du réseau. Partout où vous avez tout un tas de tâches dont vous avez besoin de garder la trace, et vous avez besoin de savoir ce qui s'est passé, ce qui n'a pas eu lieu, qui l'a fait, qui ne l'a pas fait, quand. C'est comme une sorte de liste de tâches sous stéroïdes, conçue pour une organisation dans son ensemble. À peu près tout est de l'Open Source ou du Logiciel Libre, sous une licence ou une autre. Nous avons des clients « consultants », ou des clients « support », qui ajoutent des clauses d'indemnisation à notre contrat standard ou qui ont besoin que nous signions les leurs. Et il est dit que – vous savez – dans le jargon juridique standard, il est dit quelque chose comme : nous les indemnisons et les dégageons de toute responsabilité et acceptons de payer leurs frais de justice et de sacrifier notre premier-né, si quelque chose se passe et que quelqu'un découvre que notre logiciel viole un brevet, viole le brevet de quelqu'un d'autre. Il est très très rare que nous devions en arriver à signer quelque chose comportant ce genre de termes, mais cela engloutit beaucoup de frais juridiques.

[22:49 - 23:02] Michael Meurer - (Auteur, «Patent Failure»): Regardez les innovateurs dans les logiciels, en matière de TIC, et demandez : «Seraient-ils mieux si le système des brevets était supprimé? La réponse est probablement «oui».

[23:03 - 23:37] Bessen : Qui en profite? Les avocats des brevets sont numéro 1. Numéro 2, vous avez un petit nombre de soi-disant «trolls» qui en bénéficient, mais ce n'est pas évident que la plupart d'entre eux fassent même de l'argent. Vous voyez, plus récemment, dans les 4-5 dernières années, des entreprises comme des capitaux risques intellectuels et des fonds spéculatifs, ont acquis de grandes quantités de ces brevets ordures, et les ont utilisé pour extraire des centaines de millions de dollars à des entreprises. Ils en bénéficient, ils sont peut-être les principaux bénéficiaires.

[23:38 - 23:51] Ravicher : Vous savez, il y a beaucoup de mauvaise presse, ces dernières années, sur le préjudice causé par les brevets logiciels. Et nous pensons que cela a eu une influence politique sur l'office des brevets, afin de leur faire ralentir leur émission et commencer à les rejeter, et c'est ce qui a résulté en l'affaire Bilski.

[23:52 - 23:59] [In re Bilski – Federal Circuit -October 30, 2008 : Inventions must be tied to a particular machine or transform something. "Useful, concrete and tangible result" of State Street is inadequate.]

[24:00 - 25:13] Ravicher : Well, the biggest first bad press story was the Blackberry patents, where all the Congressional representatives have their Blackberries, and there is a company called NTP that sued the manufacturer of Blackberry, saying that all Blackberries infringed its patent. Well, NTP was this company which is just a 1-person holding company. They didn't make any products or services themselves. And so, this got a lot of attention : it was in the Wall Street Journal, in the Washington Post. And Congress persons were really upset that they lose their Blackberry and they may not be able to communicate efficiently. And so that caused a lot of attention. Then you had all these patents on, like, banking methods and imaging for cheques that those patent holders have been asserting against the banking industry. And the banking industry had a lot of influence on Capitol Hill. So they've been going down there and saying : "Look, these kind of patterns are causing us lots of harm." Then you add into that the whole "patent troll" (24:52 "In the issue of…" (?)) taxes, with small patent holders suing large IT companies, like Google and Microsoft and IBM and Hewlett-Packard. All these companies also have legislative influence. And they've said, you know : "These kinds of patents are causing real harm to our business. They're costing us jobs, an increase in the price of products and services that we offer to our customers, and you need to do something about it.

[25:13 - 25:14] [In re Bilski – Federal Circuit -October 30, 2008 : Inventions must be tied to a particular machine or transform something. "Useful, concrete and tangible result" of State Street is inadequate.]

[25:14 - 54:20] [Bilski v. Kappos – Supreme Court – 2010 : Supreme Court may affirm their previous rejections of software patents, or decline to decide this issue.]

[25:21 - 26:06] Peter Brown – Free Software Foundation : The situation we find ourselves in is that the Lower Court, the Court of Appeal of the Federal Circuit, is essentially a court for patents, for hearing patent cases. And this is the first time that the Supreme Court has taken up that scope of (25:39 "patentability" (?)). And specifically, this test that was implemented by the Lower Court does talk (?) to software patents. And so, there is practically a 20-years history of software patents being granted due to the Lower Court. And so we are hoping that the Supreme Court clear up the mess that the Lower Courts created and restamp (?) its authority, which basically said that you cannot have software patents.

[26:07 - 26:29] Joe Mullin – IP Law & Business Magazine : When you saw the arguments that were brought by Bilski's lawyer – the Patent Board is in some sense an organized lobby, and it expands its subject matter that's available to be patented : it's in their interest. And it's clear that this was frustrating for some of the justices. Some of them were frustrated by how expensive patentable subject matter has become.

[26:29 - 26:34] (Young man with spectacles (?)) I mean they seem rather dismissive of the idea that you could patent this particular idea.

[26:36 - 26:51] Jakes : I think people have a hard time getting over the idea that you can get a patent on hedging commodity risk. But if you actually look at the claims, and look at what's in there, it is a process, and it's no different than any other process. It just may be that it's not the way that they thought of patents in the past.

[26:52 - 27:11] Peter Brown : We're encouraged by the comments by the justices, which showed that they were sceptical, and which suggested that they understood that software is little more than a series of steps that can be written out as mathematical formula or written out on a piece of paper or as – which was mentioned by one of the justices – typed out on a typewriter.

[27:12 - 27:23] Mullin : Software patents, on a general purpose computer, have never been explicitly endorsed by this Court. And this Court has also shown no compunction about reversing rules that have held for a very long time.

[27:23 - 27:29] (off voice or Mullin ctd (?)) : They clearly thought that the petitioners here were trying to get a patent on something very basic, some basic forms of human activity.

[27:29 - 27:35] [More than 200'000 software patents have been granted in the U.S.]

[27:36 - 27:41] [Programmers find it increasingly difficult to write software they won't be liable to be sued for.]

[27:42 - 27:46] [Now imagine…]

[27:44 - 27:57] [Beethoven's Vth symphony – from 27:46 with score.]

[27:58 - 28:00] [Patent labels on the score for "crescendo" and "group of 3 eight-notes.]

[28:00 - 28:04] [Beethoven's Vth symphony with score.]

[28:04 - 28:08] [[Patent labels on the score for "Piano dynamics" "Quarter rest" "Quarter note in C3"]

[28:08 - 28:14] [Beethoven's Vth symphony with score.]

[28:14 - 28:34] [[Patent labels on the score for "Sforzando", "Major third", "Tied half-note", "Tremolo", "horn in E-flat"

[28:35 - 28:42] [Credits : Directed, shot and edited by : Luca Lucarini. Produced by Jamie King. Animations : Christopher Allan Webber. Sound mix : Matt Smith.]

[28:43 - 28:48] [Copyright 2010 Luca Lucarini. This film is licensed under a Creative Commons Attribution-No Derivative works 3.0 license (or later version). http://patentabsurdity.com.

[28:49 - 28:54] [Supported by a grant from the Free Software Foundation and made possible by the associate membership of the Free Software Foundation http://www.fsf.org.]